Sujet corrigé d’une dissertation littéraire par Professeur Issa Laye DIAW

À propos du rôle que l’artiste devrait vouer à la poésie, Gautier, Lamartine et Hugo sont formels ; le premier affirme : « j’aimerais mieux avoir mon soulier mal cousu que de faire des vers mal rimés ». Le deuxième avoue : « ce n’était plus un art ; c’était le soulagement de mon propre cœur qui se berçait de ses propres sanglots ». Le troisième écrit : « j’aurais été soldat si je n’étais poète ».
Vous analyserez successivement ces trois avis en montrant d’abord l’importance d’un texte bien écrit, ensuite celle liée à l’expression personnelle des sentiments et enfin celle qui dénonce des injustices
On appelle « polémique » un sujet de discussion autour duquel les avis ne sont pas unanimes. Et, tant entre écrivains qu’entre lecteurs, c’est exactement cette attitude critique qu’on remarque toujours quand il s’agit de révéler, entre les principales fonctions de la poésie, quelle est la plus importante. C’est dans cette dynamique que Gautier affirme : « j’aimerais mieux avoir mon soulier mal cousu que de faire des vers mal rimés » ; pour Lamartine, « ce n’était plus un art ; c’était le soulagement de mon propre cœur qui se berçait de ses propres sanglots ». Hugo, lui, péremptoire, écrit : « j’aurais été soldat si je n’étais poète ». Dit autrement, à les entendre parler, pour le premier, la poésie est ornementale ; si le deuxième lui voue un caractère thérapeutique, le dernier, lui, pense qu’elle doit être militante. Quelles sont donc les principales vocations de la poésie ? C’est pour répondre à cette question que, l’une après l’autre, nous analyserons la fonction esthétique, lyrique et engagée de l’activité créatrice poétique.
La fonction première de la poésie semble être esthétique. En effet, à bien observer les courants littéraires en général, le classicisme, le symbolisme, le surréalisme et le parnasse plus particulièrement, les écrivains qui s’en réclament ont tous voué une attention qui fait de l’artiste un artiste dans le sens propre du terme, c’est-à-dire quelqu’un dont l’activité est indissociable du beau, de l’esthétique, du culte de la forme de longue haleine. Les classiques ne toléraient point, aussi beau que soit le thème qui a servi de source d’inspiration à l’artiste, que la conception en soit négligée. Quant aux symbolistes, ils ont réussi un coup de maître d’une rare ingéniosité : s’inspirer d’un mal mais peint avec tellement d’adresse stylistique que, de cette laideur, ils parviennent à en faire naître une œuvre de beauté absolue. Les surréalistes ont poussé le bouché un peu plus loin en choisissant d’investir un champ encore inexploré : se détourner des conventions esthétiques traditionnelles ou aristotéliciennes, afin de créer toute une révolution des formes. Cependant, il faut faire la part belle au Parnasse. En effet, si les parnassiens sont restés incontournables quand il s’agit d’évoquer cette question du style, c’est non seulement parce qu’ils en ont fait un privilège mais, mieux encore, une exclusivité. En d’autres termes, l’art ne doit servir qu’à l’art, c’est-à-dire qu’il doit arriver à séduire les sens rien qu’en s’y penchant. Le seul gage de cette théorie de l’art (la littérature) pour l’art (la beauté) est d’avoir le privilège de rester immortel. En guise d’illustration, c’est justement pour cette immortalité que, dans le fameux poème qui sonne comme un manifeste et intitulé « L’art », (Emaux et Camées, 1852), Théophile Gautier, le chef de file du mouvement parnassien, écrit ce quatrain :
« Les dieux eux-mêmes meurent
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains ».
Pour tout dire, les poètes en général, les parnassiens en particulier pensent que l’art n’est destiné qu’à une chose : l’expression d’un langage dont le travail frise la perfection pour lui assurer une pérennité.
Cependant, comme le pense Théophile Gautier, cette conception de l’art exclusivement vouée à l’esthétique est-elle entièrement partagée ? Alphonse de Lamartine a tranché net.
Si les romantiques lyriques soignent leur style, c’est pour mieux exprimer leur être par les Lettres. Plutôt que de parler d’une détresse à une tierce personne, le poète lyrique fait de sa plume un confident. Et, chose plus insoupçonnable, le lecteur pourrait s’y retrouver au point de nouer un solide et indéfectible lien de sympathie avec l’auteur pour avoir vécu la même chose que lui. Par quelle magie les mots parviennent-ils à opérer à ce transfert ? Il n’existe aucune vie qui soit unique. C’est par le moyen d’un poète qui ne s’économise point quand il s’agit de révéler son intimité universelle, d’exposer au grand public lecteur ses moments de joie et sa faiblesse humaine par moment. En contrepartie, cette écriture lyrique ou sentimentale le lui rend bien ; elle lui permet de se soulager, de se départir du poids qui pèse sur le cœur quand on souffre surtout à cause de sentiments. Toutefois, même si les romantiques sont les plus en vue dans ce projet d’écriture, ils n’en ont pas l’apanage. En effet, les humanistes en premier s’y adonnaient mais souvent en accompagnant le texte poétique d’une leçon de morale. Nous ne saurons omettre les symbolistes souvent confondus aux romantiques pour leur penchant à l’expression des sentiments ou à l’exaltation des sentiments amoureux. Les surréalistes ne sont pas en reste, eux qui ont exploré le tréfonds du subconscient et découvrir comment l’être humain réagit face à un sentiment très fort qui le lie à l’autre. Même des poètes de la négritude méritent leur statut de lyriques bien qu’ils l’ont orienté vers la célébration de l’amour de la patrie et de ses membres. En guise d’exemple, il faut lire « Le Lac », huitième poème du recueil intitulé Les Méditations poétiques (1820) ; dedans, Alphonse de Lamartine attribue aussi bien à la nature de ses vers qu’à la nature ambiante des vertus à la fois inspiratrices, conservatrices et surtout consolatrices. En un mot, des poètes consacrent leur activité créatrice à la consolation grâce à la fonction lyrique de la poésie.
Toutefois, si les uns donnent à ce genre littéraire des orientations esthétiques et lyriques, est-ce que celle-ci demeurent les seules à notre connaissance ? Victor Hugo semble y avoir répondu.
On dit d’un écrivain qu’il est engagé lorsqu’il se révèle incapable de rester les yeux fermés ou de garder les bras croisés face à une injustice. Il aura donc placé sa mission protectrice plus haute que tout ce qui pourrait en découler. Et c’est exactement cette attitude protestataire qu’on remarque chez les romantiques engagés de la trempe de Victor Hugo. D’une part, on note cette prise de partie des pauvres gens dont le nombre a augmenté à cause des conséquences de la révolution industrielle du XIXème siècle. Dès que, dans sa poésie, l’auteur prend leur défense et invite à plus de solidarité à leur égard, il manifeste un engagement dit social. D’autre part, dès que ce texte poétique reproche aux hommes politiques l’institution de lois rétrogrades, inhumaines, qui favorisent les uns et défavorisent les autres, l’engagement de l’auteur devient alors politique et encore plus risqué puisqu’il l’expose à des sanctions pouvant aller des moindres (censure, amende,…) aux plus périlleuses (exil, assassinat…). Quoi qu’il en soit, ce militantisme littéraire poétique est toujours lié à un événement historique ; chez les humanistes, il est issu des guerres de religion, des deux guerres mondiales chez les surréalistes, de la colonisation chez les poètes négro-africains. L’exemple qui nous semble des plus patents peut être inspiré de Victor Hugo car tout au long de sa vie (dix-huit ans d’exil en Angleterre), dans son immense activité créatrice poétique et politique (discours à l’assemblée constituante), il s’est toujours montré comme un farouche opposant de l’injustice ; il faut surtout lire « Ultima verba », un poème des Châtiments (1853) pour se convaincre de son engagement, en l’occurrence contre le dictat de Louis Napoléon Bonaparte. En somme, la fonction engagée occupe une place importante dans l’activité créatrice poétique dans la mesure où elle permet de faire rebrousser chemin à l’injustice.
En conclusion, la mission à assigner à la poésie est diversement appréciée. Si, pour les uns, elle doit garder sa fonction esthétique, pour d’autres, elle doit plutôt être lyrique. Il en existe même qui lui vouent une fonction engagée. À notre avis, un poème est toujours inscrit dans un contexte et, quand les événements liés au cadre spatio-temporel l’exigent, il sera ou esthétique, ou lyrique, ou engagé, ou même didactique. Pour tout dire, il n’existe aucune règle ; c’est au gré des circonstances du moment qu’un texte poétique se construit. En tant que lecteur, sachons donc en tirer profit, peu lui importe son orientation. Fort justement, pourquoi des écrivains ont-ils opté pour un genre littéraire et pas pour un autre ? Qu’est-ce qui peut bien justifier ce dévolu jeté sur la poésie et pas sur le roman ou la poésie par exemple ?
Issa Laye DIAW
Donneur universel
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