La philosophie est une aventure de la raison qui naît de l’insatisfaction et s’achève dans la déception. Quelle réflexion vous suggère ce propos ?

La philosophie est une aventure de la raison qui naît de l’insatisfaction et s’achève dans la déception. Quelle réflexion vous suggère ce propos ?

Profil d’introduction : 

Qu’est ce que la philosophie ? Á cette question aucune réponse précise ni définitive n’a été fournie à ce jour. Et s’il en est ainsi c’est peut-être que la philo ne se laisse pas définir, d’où cherche-ton souvent à la caricaturer pour mieux la cerner. Ce sujet soumis à notre réflexion s’inscrit dans cette perspective car en lieu et place dune définition conceptuelle nous avons ici une métaphore qui présente la philo comme une aventure de la raison qui serait motivé par un sentiment de non quiétude intellectuelle et dont l’issue est une quête infructueuse. Il s’agit donc ici d’un point de vue sur l’origine psychologique de la philo et sur son destin comme échec. Il importe, pour investir ce sujet, de se poser la question de savoir : en quoi la philo peut-est-elle être considérée comme une aventure ? Par rapport à quoi la philosophie est-elle insatisfaite ? Dans quelle mesure son ambition s’est-elle soldée par une déception ?

La réponse à la question quel est le domaine de la philo n’a pas de réponse précise tellement cette discipline  a l’ambition large : on ne sait pas avec précision sur quoi porte la réflexion philosophique. C’est par conséquent compréhensible qu’on la qualifie d’aventure de la raison et ce, d’autant plus que  la plus vieille prétention de la philo c’est d’être la connaissance de la totalité. Une aventure est un voyage, un déplacement sans destination précise préalable et dont l’issue est imprévisible. L’aventure est toujours mouvementée et imprévisible et la philo en a tout l’air : la philo est une réflexion générale, spéculative, n’admettant que malaisément des résultats vérifiables et des limites. La philo est également une aventure de la raison dans la mesure où elle s’inscrit dans une quête dont elle n’a pas nécessairement les moyens et les forces. Elle est une aventure surtout dans la mesure où elle se fie entièrement et exclusivement à la raison sans se soucier du domaine de compétence objective de celle-ci. Cette dimension aventurière de la raison est perceptible dans l’élan métaphysique où la raison humaine se lance témérairement dans la conquête d’objets dont on n’a aucune perception. C’est en cela que Kant qualifie la métaphysique, qui est la partie fondamentale de la philo, d’illusion de la raison en tant qu’elle ambitionne de connaître des objets comme Dieu, l’âme, la liberté etc., que Kant appelle les noumènes ou choses en soi. Kant a, en effet, montré que la connaissance de tels objets est une illusion dans la mesure où la raison humaine, telle qu’elle est structurée, ne peut connaitre que les phénomènes, c’est-à-dire les objets tels qu’ils sont dans l’espace et le temps. Dans l’ambition de la connaissance de la totalité et dans la perspective de la connaissance métaphysique donc la philo demeure une aventure de la raison. Mais le problème est maintenant de savoir quel est le mobile psychologique qui a motivé cette aventure de la raison qu’est la philo ?

(…)

Á cause de cette insatisfaction qui la motive, la philo se lance dans la quête inlassable d’une vérité essentiellement impossible à posséder, d’où le destin final de la philo est la déception. Il n’y a pas, en effet,  de résultat définitif, de savoir, dont on peut se contenter dans cette quête de la vérité. L’on se rappellera, sous ce rapport, les raisons qui ont amené Kant, à la suite de la critique de la métaphysique traditionnelle, à se proposer d’ « abolir le savoir pour faire place à la foi ». Ce fameux propos signifie que les objets de la métaphysique ne sont pas accessibles à la raison, qu’ils ne sont pas des objets de connaissance mais plutôt de foi rationnelle. C’est là une illustration que la raison philosophique n’est jamais couronnée de succès. La déception ne concerne d’ailleurs pas les seuls acteurs de la philo, elle s’étend également au commun des mortels qui constate qu’elle est incapable de satisfaire sa soif de savoir et ses exigences pratiques.

 

Sujet 1 : la pense rationnelle exclut-elle le mythe ?

Analyse du sujet 

Pensée rationnelle : il s’agit de le pensée produite par la raison et qui obéi à un certain nombre de principes dont : la cohérence, le caractère critique, le caractère conceptuel et argumentatif. La philo et la science sont des exemples de pensée rationnelle. La philo est une pensée critique qui n’admet d’autorité que celle de la raison ; de sorte que la vérité, pour la philosophie, est le résultat d’une enquête rigoureuse, minutieuse. Quant à la science, son discours rationnel et objectif est surtout accompagné d’une méthode qui produit des résultats concordants. Exclure : ce verbe peut s’entendre dans deux sens dans ce sujet. 1) Exclure au sens de réfuter, de rejeter ou de contester : le raison exclut le mythe signifierait qu’elle conteste sa validité, qu’elle le remet en cause. 2) Exclure au sens de chasser, de faire disparaître : la raison exclut le mythe signifierait qu’elle le rend caduc. Dans les deux sens l’exclusion du mythe par la pensée rationnelle suggère que celui-ci est défectueux, qu’il ne remplit pas les exigences qui satisfont la raison.  La première conséquence qui en résulte est que le mythe n’est pas rationnel, or sur quoi se fonde une telle conclusion ?F Le mythe coexiste avec la philo et la science dans les sociétés actuelles : la conséquence qu’il faut en tirer est que le mythe n’est pas rendu caduc par la raison, d’où se pose la question : qu’est ce qui explique la survivance du mythe dans les sociétés où la pensée rationnelle prévaut ? Le mythe est même présent dans une certaine forme de rationalité (la philo)F La 3e conséquence qui en résulte est que le mythe n’est donc pas exclu de la sphère de la rationalité. À quoi est due cette présence du mythe ? Est-ce que le mythe est bien rationnel ? Mythe : c’est un discours fabuleux, imaginaire, mettant en scène des êtres surnaturels et naturel et ayant souvent un caractère sacré. Ce type de mythe est contesté par la philo ; celle-ci est avant tout une entreprise de démythification et de démythologisation de l’univers social et mental des Grecs. À côté de ces mythes ethnologiques, il y a les mythes allégoriques présents notamment dans la philo platonicienne. Leur fonction pédagogique est la preuve de la rationalité et, par ricochet, de leur place dans la pensée philosophique. Il y a aussi les mythes sous forme de réalités exagérées : la confiance et l’espoir immense placés en la raison en général et en la science en particulier, ont fini par produire le mythe de la rationalité et de la science : elles sont exagérées. Sous ce rapport, au lieu que la raison exclut le mythe, elle semble l’engendrer. Il y a enfin les mythes sous forme de préjugés que l’on retrouve dans toutes les sociétés, y compris les sociétés les plus rationalistes. Le mythe de l »homme sauvage et celui de l’état de nature ne sont au des substituts du mythe de la raison. Certains préjugés de supériorité culturelle ou raciale ont été alimentés et théorisés par la pensée rationnelle (philo et science). La conséquence qu’il faut tirer de tout cela est que tous mythes ne sont pas irrationnels et, pour cette raison, ils ne sont pas tous exclus par la pensée rationnelle.

Reformulations possibles du sujet : la raison exclut-elle le mythe ? La raison rend-elle caduc le mythe ? La raison est-elle opposée au mythe ? (Pour quelle raison et dans quel sens l’est-elle alors ?). Tous les mythes sont-ils écartés par la raison ?

Thèse possible : Dans la mesure où le mythe fait partie des premières approches du réel, l’émergence de la pensée rationnelle se fait forcément contre lui.

1) La philo d’abord et la science ensuite, sont l’expression d’une raison humaine qui s’efforce de dépasser l’esprit prélogique. La philo a d’abord eu comme cible les mythes qui inondaient l’univers intellectuel des grecs. Certains mythes racontaient l’origine et les causes surnaturelles des guerres, d’autres expliquaient les phénomènes comme l’amour et la mort en se référant à des divinités ou à des esprits, etc. Mais leur  écart avec la réalité, leur caractère fabuleux, sont pour la philo, la preuve de leur caractère irrationnel : ils sont dénués de fondement. 2) Le passage de l’empire à la cité (opéré par les sociétés grecques entre les 7e et 6e siècles BC) s’est manifesté par cette contestation du mythe qui servait d’explication et de légitimation à l’empire. Des efforts d’explication rationnelle vont remplacer l’explication mythique. À en croire J.P. Vernant la pensée mythique inspire le modèle naturel (cosmogonie et cosmogénèse) que la société copiait, alors la philo propose un modèle rationnel : l’ordre social est désormais calqué sur le modèle rationnel.  Ce n’est donc pas un hasard si la philo et la démocratie sont contemporaines. Et si l’on sen tient à la théorie de Carl Gustav JUNG selon les mythes proviennent des archétypes, c’est-à-dire des images ancestrales qui constituent le résidu de l’histoire de l’humanité, alors le mythe ne peut être accepté par la raison. En effet selon JUNG, les mythes appartiennent à l’inconscient collectif de l’humanité et sont, pour cette raison, irrationnels. Bergson également a produit une théorie explicative du mythe qui confirme le caractère irrationnel de celui-ci. Le mythe proviendrait selon Bergson de l’affectivité humaine et sa fonction est de compenser les besoins psychologiques de l’homme que la réalité ne permet pas de satisfaire. Tel est le sens du mystère des mythes de l’immortalité très répandus à travers les cultures : leur fonction est de dissiper l’angoisse de la mort perçue comme anéantissement total. Si donc l’origine du mythe c’est l’inconscient collectif dont JUNG parle ou l’affectivité humaine comme le suggère Bergson, il n’y a pas de doute qu’il est exclu par la pensée rationnelle, elle ne l’admet pas, elle conteste sa validité.

3) Quant à la science, expression ultime de la pensée rationnelle, elle est incompatible avec les représentations mythiques. Elle déconstruit ces représentations par la révélation rationnelle des causes purement naturelles des phénomènes auxquels le mythe attribuait des causes surnaturelles. Les maladies sont scientifiquement connues et les représentations mythiques qui les accompagnaient sont devenues caduques. Le mythe est pour l’esprit scientifique un obstacle épistémologique dont il faut impérativement se débarrasser pour être un scientifique. 4) La solidarité entre le mythe et la religion est la preuve du caractère irrationnel du mythe : c’est la croyance qui est le fondement du mythe, pas l’esprit critique, ni  le savoir. Mais comment expliquer alors que malgré la philo et les progrès scientifiques, il y ait encore des représentations mythiques ? Le mythe est-il vraiment opposé à la raison ?

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