Textes + corrections sur l’Apologie de Socrate

Texte 1

Tous ceux qu’ils convainquent ainsi d’ignorance s’en prennent à moi, et non pas à eux, et vont disant qu’il y a un certain Socrate, [23d] qui est une vraie peste pour les jeunes gens ; et quand on leur demande ce que fait ce Socrate, ou ce qu’il enseigne, ils n’en savent rien ; mais, pour ne pas demeurer court, ils mettent en avant ces accusations banales qu’on fait ordinairement aux philosophes, qu’il recherche ce qui se passe dans le ciel et sous la terre ; qu’il ne croit point aux dieux, et qu’il rend bonnes les plus mauvaises causes ; car ils n’osent dire ce qui en est, que Socrate les prend sur le fait, et montre qu’ils [23e] font semblant de savoir, quoiqu’ils ne sachent rien. Intrigants, actifs et nombreux, parlant de moi d’après un plan concerté et avec une éloquence fort capable de séduire, ils vous ont depuis longtemps rempli les oreilles des bruits les plus perfides, et poursuivent sans relâche leur système de calomnie. Aujourd’hui ils me détachent Mélitus, Anytus et Lycon. [24a] Mélitus représente les poètes ; Anytus, les politiques et les artistes ; Lycon, les orateurs. C’est pourquoi, comme je le disais au commencement, je regarderais comme un miracle, si, en aussi peu de temps, je pouvais détruire une calomnie qui a déjà de vieilles racines dans vos esprits.
Apologie de Socrate

 

1. Dégagez l’idée générale de ce texte après l’avoir situé dans l’œuvre.

Ce passage où Socrate dévoile l’identité (le nom et la fonction) de ses accusateurs est tiré de la première partie qui expose la plaidoirie de Socrate

2. Les accusateurs de Socrate lui reprochent de rechercher « ce qui se passe dans le ciel et sous la terre ; qu’il ne croit point aux dieux, et qu’il rend bonnes les plus mauvaises causes ». Essayez de déterminer les aspects de la philosophie que les accusateurs caricaturent ici pour salir le philosophe en l’occurrence Socrate.

L’esprit inquisiteur du philosophe irrite le non philosophe, principalement le sophiste : ses méditations suprasensibles (métaphysiques) et son intransigeance à propos de la vérité sont caricaturées en terme de recherche de « recherche ce qui se passe dans le ciel et sous la terre ». La liberté d’esprit du philosophe, son combat contre les dogmes et les certitudes, le font souvent passer pour un impie « il ne croit point aux Dieux ». L’esprit d’ouverture du philosophe et sa modestie le font aussi paraître aux yeux de l’opinion comme adepte de la relativité comme le sophiste « qu’il rend bonnes les plus mauvaises causes ».

3. De quoi Socrate accuse-t-il ses accusateurs lorsqu’il explique que « car ils n’osent dire ce qui en est, que Socrate les prend sur le fait, et montre qu’ils font semblant de savoir, quoiqu’ils ne sachent rien. ».

Socrate accuse ses accusateurs de mauvaise foi et d’esprit vindicatif : parce qu’en tant que philosophe, il met à nu les magouilles intellectuelles des sophistes, ces derniers lui en veulent.

4. Qu’est ce que Socrate cherche à montrer en mettant en exergue la profession de ses accusateurs (Mélitus représente les poètes ; Anytus, les politiques et les artistes ; Lycon, les orateurs) ?

Un poète est maître dans l’art de mettre le fond dans une forme agréable, c’est un enchanteur en ceci qu’il suscite l’émerveillement. Un homme politique est, par essence, un habile manipulateur, un démagogue. Quant à l’orateur, sa faculté persuasive en fait un redoutable interlocuteur dans des joutes oratoires. Ce que Socrate cherche à faire comprendre c’est qu’au regard de l’armée de contempteurs qui l’accablent, il lui est presque impossible se sortir du tribunal acquitté : « je regarderais comme un miracle, si, en aussi peu de temps, je pouvais détruire une calomnie qui a déjà de vieilles racines dans vos esprits ».

Texte 2

Vous sentez bien qu’il ne me siérait guère, à mon âge, de paraître devant vous comme un jeune homme qui s’exerce à bien parler. C’est pourquoi la seule grâce que je vous demande, c’est que, si vous m’entendez employer pour ma défense le même langage dont j’ai coutume de me servir dans la place publique, aux comptoirs des banquiers, où vous m’avez souvent entendu, ou partout ailleurs, vous n’en soyez pas surpris, et ne vous emportiez pas contre moi ; car c’est aujourd’hui la première fois de ma vie que je parais devant un tribunal, [17d] à l’âge de plus de soixante-dix ans ; véritablement donc je suis étranger au langage qu’on parle ici. Eh bien ! de même que, si j’étais réellement un étranger, vous me laisseriez parler dans [18a] la langue et à la manière de mon pays, je vous conjure, et, je ne crois pas vous faire une demande injuste, de me laisser maître de la forme de mon discours, bonne ou mauvaise, et de considérer seulement, mais avec attention, si ce que je dis est juste ou non : c’est en cela que consiste toute la vertu du juge ; celle de l’orateur est de dire la vérité.

Questions

1. Dégagez l’idée générale de ce texte après l’avoir situé dans l’œuvre.

Ce texte est de la première partie où Socrate fait sa plaidoirie face au public athénien.

2. Qu’est ce que, à votre avis, Socrate veut prouver en affirmant : « car c’est aujourd’hui la première fois de ma vie que je parais devant un tribunal, [17d] à l’âge de plus de soixante-dix ans ; véritablement donc je suis étranger au langage qu’on parle ici. » ?

Si à l’âge de 70 ans, Socrate ignore le langage du tribunal populaire et le langage qu’on y parle, cela prouve qu’il est certainement un citoyen modèle : il n’a jamais enfreint la loi !

3. Socrate demande au public de lui concéder la liberté d’user du langage qu’il a l’habitude de parler. A quel langage Socrate fait-il allusion à votre avis ?

Il s’agit du langage philosophique dénué de toute rhétorique : un discours argumenté, motivé mais sans artifice.

4. A quoi consiste, selon Socrate, la vertu (qualité) du juge ?

La vertu du juge est de juger la véracité du discours des protagonistes et non sa forme, de rendre la justice sans état d’âme

Texte 3

Et ici quelqu’un de vous me dira sans doute :

Mais, Socrate, que fais-tu donc ? Et d’où viennent ces calomnies que l’on a répandues contre toi ? Car si tu ne faisais rien de plus ou autrement que les autres, on n’aurait jamais tant parlé de toi. Dis-nous donc ce que c’est, afin que nous ne portions pas un jugement téméraire. [20d] Rien de plus juste assurément qu’un pareil langage ; et je vais tâcher de vous expliquer ce qui m’a fait tant de réputation et tant d’ennemis. Écoutez-moi ; quelques-uns de vous croiront peut-être que je ne parle pas sérieusement ; mais soyez bien persuadés que je ne vous dirai que la vérité. En effet, Athéniens, la réputation que j’ai acquise vient d’une certaine sagesse qui est en moi. Quelle est cette sagesse ? C’est peut-être une sagesse purement humaine ; et je cours grand risque de n’être sage que de celle-là, tandis que les hommes dont je viens de vous parler [20e] sont sages d’une sagesse bien plus qu’humaine. Je n’ai rien à vous dire de cette sagesse supérieure, car je ne l’ai point ; et qui le prétend en impose et veut me calomnier.

Apologie de Socrate

1. Dégagez l’idée générale de ce texte après l’avoir situé dans l’œuvre

Ce texte extrait de la première partie relative à la plaidoirie de Socrate est une explication par Socrate de l’origine et des motivations de son chef d’inculpation.

2. Quelle est la sagesse dont Socrate est pourvu et qui lui vaut toutes ces calomnies ?

Socrate a été déclaré par l’oracle de Delphes « le plus sage des hommes » non pas parce qu’il était détenteur d’une sagesse exceptionnelle, surhumaine, mais simplement parce qu’à la différence de la plupart des hommes, il sait au moins qu’il ne sait pas.

3. A qui Socrate pense-t-il quand il dit « tandis que les hommes je viens de vous parler sont sages d’une sagesse bien plus qu’humaine » ?

Socrate parle évidemment des sophistes qui prétendent être des maîtres de la vertu : se sont les sophistes qui, abusant de la rhétorique, prétendent tout savoir alors qu’ils ne savent pas.

4. Comment qualifierez-vous cette façon de parler de Socrate ?

Cette façon qu’a Socrate de présenter ses adversaires comme lui étant supérieurs s’appelle ironie.

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