Education routière à l’Ecole, la sortie de piste de Macky Sall

Des enseignants interrogés par « le Témoin » assimilent les propos du chef de l’Etat Macky Sall sur la nécessité de renforcer l’éducation routière dans les programmes scolaires à de simples «mots» tenus pour noyer les véritables «maux» de l’école tels que le passif social, les abris provisoires, le déficit d’enseignants, les effectifs pléthoriques… Ils disent aussi refuser de cohabiter avec des forces de l’ordre dans les établissements scolaires.

Vendredi dernier, trois lycéennes de la commune de Gamadji Sarré, à hauteur du village de Doubangué, ont péri sur la route dans un accident de la circulation. Plongeant ainsi la communauté éducative sénégalaise dans le deuil. Le chef de l’Etat, Macky Sall, qui a présenté ses condoléances en Conseil des ministres, en a profité pour rappeler la nécessité de renforcer l’éducation routière dans les programmes scolaires et dans les établissements d’enseignement. Il a même demandé le concours des services compétents comme la Nouvelle agence de sécurité routière afin, dit-il, de mieux prévenir les accidents de la circulation chez les élèves. Le président Sall a proposé ainsi l’introduction d’un module relatif à la conduite routière dans les programmes scolaires « déjà très chargés », selon les enseignants. « Nous avons déjà un programme très lourd à l’école. Au lieu de prendre des programmes sur la conduite routière, je crois qu’à l’élémentaire, il y a la matière intitulée : «Vivre dans son milieu» qui apprend aux élèves les questions morales et de vie sociale », confie le secrétaire national à la presse et à la communication du Syndicat Autonome des Enseignants du Moyen et Secondaire du Sénégal (Saemss). A son avis, le gouvernement devrait plutôt aller dans le sens d’appuyer les établissements scolaires, particulièrement ceux du moyen-secondaire, avec un budget conséquent qui pourrait leur permettre de prendre en charge les questions sécuritaires. Tamsir Bakhoum, donnant son point de vue sur le discours de Macky Sall, demande à ce que cette décision sur les questions sécuritaires dans les environnements immédiats des établissements scolaires, avec le projet de renforcement des programmes sur la conduite routière, ne soit pas une déclaration politique pour gagner la sympathie des parents des trois lycéennes décédées alors qu’elles se rendaient à l’école.

Une « diversion » selon les syndicalistes… !

Pour son camarade du même syndicat, El Hadj Malick Youm, il faut surtout éviter de trouver de fausses solutions à de vrais problèmes avec des mots qui ne peuvent malheureusement point soigner les véritables maux dont souffre le système éducatif sénégalais. C’est également l’avis de Ndongo Sarr du Cadre unitaire des Syndicats du Moyen et Secondaire du Sénégal (Cusems) selon qui le discours « de circonstance » du président Sall sur l’environnement immédiat des écoles, ne serait ni plus ni moins que de la «diversion’’. « Personne ne nous divertira avec l’environnement immédiat des écoles », a-t-il martelé. A en croire ces syndicalistes, les priorités de l’école sénégalaise, c’est surtout le règlement du passif social avec les syndicats d’enseignants, l’éradication des abris provisoires, la résorption du déficit d’enseignants, la question des effectifs pléthoriques dans les classes… Ndongo Sarr du Cusems considère que le problème ne se trouve pas à l’extérieur, mais à l’intérieur de l’école où il manque de tout avec des déficits en tout genre liés surtout aux infrastructures, aux mobiliers, aux ressources humaines, aux conditions d’apprentissage avec les effectifs pléthoriques. Ce, notamment en sixième et en seconde. Il y a aussi la question du non-respect des accords sur le système de rémunération des enseignants… Pour lui, l’école sénégalaise, principalement son système, souffre d’un problème d’orientation et de pilotage. C’est pourquoi, il invite à faire les choses dans les règles en procédant par priorités.

…qui demandent des ralentisseurs…

Concernant l’environnement immédiat, M. Bakhoum rappelle que, dans les zones rurales comme urbaines, les élèves et les parents souffrent du coût élevé du transport et du très mauvais état des axes routiers. Il considère ainsi que c’est à l’Etat de sécuriser les environs immédiats des écoles par la construction de ralentisseurs et de dos d’ânes. « Quand nous sommes en mission dans les profondeurs du Sénégal, nous avons l’habitude de voir des voitures qui roulent à des vitesses excessives aux environs des écoles sans qu’aucune disposition sécuritaire n’ait été prise contre cette pratique par nos autorités. C’est surtout valable dans les grands axes qui font face aux écoles ou aux lycées. Il faudra que le gouvernement mette en place des dos d’âne pour obliger les véhicules à ralentir pendant tous ces trajets », a-t-il plaidé. Un point déjà évoqué en partie dans le dernier communiqué du Conseil des ministres par le président de la République qui a demandé au ministre en charge des Transports terrestres d’engager une réflexion sur les modalités d’amélioration du système de transport des élèves et étudiants dans les centres urbains et périurbains notamment. Ce dans la perspective de la «mise en service prochaine» du Train express régional (Ter) et des Bus rapid transfert (Brt). Au-delà de cette question du transport des apprenants, il a surtout demandé au trio de ministres en charge de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et de l’Enseignement supérieur de collaborer avec leurs homologues des Forces armées et de l’Intérieur afin de prendre les mesures de sauvegarde appropriées pour un meilleur encadrement de l’occupation de l’environnement immédiat des établissements scolaires et universitaires. De même que la question des activités commerciales autour de ces structures publiques à caractère éducatif

…et qui «chassent» les forces de l’ordre des écoles!

Sauf que ces instructions de Macky Sall risquent de créer un climat tendu à l’école. Les syndicalistes d’enseignants disent niet à une cohabitation avec des éléments des forces de sécurité dans l’enceinte des établissements scolaires. «J’ignore l’intention nourrie. Mais il est bon de dire au gouvernement que nous n’accepterons jamais que les enseignants cohabitent avec les forces de l’ordre dans les établissements. Le gouvernement a certes l’obligation de sécuriser les personnes et les biens, mais nous n’accepterons pas un déploiement des forces de sécurité dans nos établissements scolaires. Le Saemss sera très intransigeant et très vigilant pour ne pas vivre cet état de fait », déclare Tamsir Bakhoum, le très bouillant syndicaliste du Saemss chargé des activités de communication et les relations avec la presse. Celui-là même qui a été, une fois, brutalisé et gazé par les agents des forces de sécurité à Ziguinchor au cours d’une marche nationale organisée par ses collègues enseignants et camarades syndicaux. Il y a un adage qui dit que «chat échaudé craint l’eau froide»! Sur ce point, le secrétaire général adjoint dudit syndicat, El Hadj Malick Youm, invite le gouvernement à « cesser de tourner autour du pot et à prendre le taureau par les cornes». Il se demande si le problème des accidents routiers concerne les élèves ou les conducteurs avant de rappeler à l’Etat que « toute demi-mesure n’est qu’une contre-mesure» dans un Sénégal où l’indiscipline est érigée en règle dans tous les domaines à cause de l’impunité », dit-il.

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