Les origines de la philosophie

On confond souvent l’origine avec le commencement. Si le commencement peut être délimité avec précision d’un point de vue spatio-temporel, l’origine quant à elle est multiple. Elle s’entend de deux manières : on parlera soit d’une origine historique ou chronologique, soit d’une origine logique ou causale. L’origine historique ou chronologique suppose un processus historique qui a abouti à l’émergence du discours philosophique alors que l’origine causale suppose une étude des différents éléments qui se sont conjugués pour élaborer un discours neuf, une innovation radicale qui est apparue tardivement dans l’histoire de l’homme. Ainsi, répondre à la question « qu’est-ce que la philosophie ? », c’est forcément remontrer dans l’histoire pour saisir les différentes causes qui se sont combinées et qui ont favorisé l’émergence de la philosophie. D’abord, nous allons dégager les conditions historiques qui expliquent l’émergence de la philosophie. Ensuite, nous nous pencherons sur les causes logiques.

  1. Origine historique

Certains attribuent à la philosophie une origine orientale en disant qu’elle est née en Égypte, et c’est la conviction de Cheikh Anta Diop. Dans son livre Civilisation et barbarie, l’historien sénégalais soutient que les Grecs n’ont fait que recopier les œuvres égyptiennes. Il écrit à ce sujet : « Les Grecs initiés en Égypte s’approprient tout ce qu’ils apprennent une fois rentrés chez eux ». Mais la thèse la plus répandue est celle qui la situe en Grèce. Les Grecs n’ont jamais nié avoir appris des Égyptiens, mais ils ont utilisé leurs connaissances dans le but d’une perspective radicalement nouvelle. Au 6ème siècle, il s’est produit ce que les historiens appellent le « miracle grec », c’est à dire la floraison des connaissances en terre grecque. C’est pourquoi selon Pierre Hadot, « c’est en eux, c’est à dire les Grecs que réside véritablement l’origine de la philosophie, car ils ont proposé une explication rationnelle du monde ». Pierre Hadot d’ajouter que ceci a marqué « un tournant décisif dans l’histoire de la pensée ».
Nous pouvons avoir des repères dans l’étude de l’origine de la philosophie. Le premier repère remonte à la tradition orientale, soit en Inde ou en Égypte. En effet, les cosmogonies orientales ont influencé les cosmogonies grecques qui, à leur tour, ont fortement influencé les présocratiques. Ces derniers entameront la rupture qui va conduire Platon à systématiser la philosophie. Les premières cosmogonies se proposaient une interprétation irrationnelle du monde. Elles se contentaient d’offrir une narration mythique. Mais face à cette irrationalité, les présocratique vont apporter une explication rationnelle du réel.

  1. Origine causale ou logique

Selon Platon, c’est l’étonnement qui est à l’origine de la philosophie. L’étonnement est une réaction de surprise, d’émerveillement devant ce qui est nouveau, inhabituel, inconnu, extraordinaire. Mais l’étonnement ne dure qu’un instant. Après s’être étonné, l’homme s’interroge. Il lui faut alors trouver des réponses aux questions angoissantes. Dans la Métaphysique, au livre A, chapitre 2, Aristote écrit : « C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques ». La philosophie est donc fille de l’étonnement. C’est, en tout cas, ce que Socrate affirme dans le Théétète.
L’étonnement philosophique devrait être compris d’abord comme l’admiration ou la fascination de l’homme devant les phénomènes de la nature. L’homme met en œuvre ainsi son ignorance et c’est pour cette raison que Aristote a dit : « Apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance ». Toutefois, il faut faire la différence entre l’étonnement du philosophe et l’étonnement du sens commun. L’étonnement du sens commun est paralysant, handicapant alors que l’étonnement philosophique signifie arrêt admiratif de l’homme devant une chose qu’il ne comprend pas. Ce n’est donc pas la stupéfaction devant une chose inhabituelle, mais devant une chose habituelle.
La plupart des hommes ne s’étonnent que devant un phénomène extraordinaire qu’ils ne comprennent pas. Or les phénomènes qui sont les plus communs nous échappent souvent, et le sentiment de connaître ce que l’on voit n’est qu’une illusion. Selon Arthur Schopenhauer, « avoir l’esprit philosophique, c’est être capable de s’étonner des évènements habituels et des choses de tous les jours, de se poser comme sujet d’étude ce qu’il y a de plus général et de plus ordinaire ». On peut donc dire que l’étonnement se produit devant ce qui est habituel et dont la nature nous offre chaque jour le spectacle. La philosophie tente chaque jour de rendre compte de ce qui est, en donnant un sens aux choses. Karl Jaspers a dit à cet effet : « L’étonnement engendre l’interrogation et la connaissance ».

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