Sujet : L’existence d’un vérité scientifique clôt-elle le débat sur l’opportunité de la philosophie ?

Sujet : L’existence d’un vérité scientifique clôt-elle le débat sur l’opportunité de la philosophie ?

 Les mauvais élèves sont précisément ceux qui, face à se sujet, vont se contenter d’une comparaison entre science et philosophie dans le seul but de restituer des leçons. La restitution des généralités sur le tronc commun entre philosophie et science, et sur la rupture épistémologique ne s’impose pas ici.

Le bon élève par contre va se soucier d’analyser le sujet par l’éclairage conceptuel. L’existence d’une vérité scientifique doit s’analyser sous le double aspect de la vérité en science : l’aspect théorique et l’aspect pratique. L’accession à une vérité scientifique met souvent fin à la polémique, parce que la science est capable de prouver ses énoncés. Le fait que certaines questions trouvent des réponses scientifiques semble donc être un argument contre les spéculations philosophiques. Or justement l’opportunité de la philosophie renvoie aux circonstances favorables à celle-ci, au bien fondé de la philosophie, à la place de la philosophie. Si la vérité scientifique fait l’objet d’une certaine universalité, c’est qu’elle s’impose aux esprits en tant que connaissance prouvée et en tant qu’efficacité pratique. La philosophie ne garantissant ni vérité ni utilité pratique, n’est-elle pas dès lors caduque face aux progrès de la science dans cette double perspective ? Le  problème que pose le sujet est donc le suivant : la question de l’actualité de la philosophie est-elle rendue caduque par l’établissement de la vérité scientifique ? Pour quiconque réfléchit, cette question amène à se demander : dans quelle mesure une vérité scientifique dans un domaine est-elle un raison de mettre fin au débat sur l’actualité de la philosophie ? Mais dans la mesure où une telle fermeture du débat sur l’opportunité de la philosophie par la vérité scientifique supposerait que science et philosophie opèrent dans le même registre, la spécificité de la philosophie n’interdit-elle pas une telle sentence ? L’existence d’une vérité scientifique n’est-elle d’ailleurs pas problématique ? Au cas où une telle vérité existerait ne serait-elle pas une occasion pour la réflexion philosophique ?

Au regard de cette analyse l’élève peut traiter le sujet suivant ce plan :

Thèse : Dans la mesure où le but de toute connaissance est la vérité, l’accession à la vérité scientifique semble être un déni porté à la question de l’opportunité de la philosophie dont la nature est la spéculation. @ La philosophie est un domaine où l’esprit humain s’engage dans des interrogations qui ne peuvent trouver à l’intérieur de la philosophie des réponses satisfaisantes. Sous ce rapport, c’est tout à fait naturel que les hommes se détournent de la philosophie et, du coup, du débat sur l’opportunité de la philosophie au cas où la science leur donnerait des réponses définitives, parce que vraies. Or l’expérience quotidienne montre que la science a permis d’atteindre certaines vérités qui satisfont la curiosité humaine. (L’élève peut, au besoin, faire quelques détours sur la problématique de la vérité pour montrer dans quels sens on peut parler de vérité scientifique). @Si l’on prend l’exemple de l’homme, on sait que l’anthropologie philosophique était tellement générale et abstraite qu’elle ne permettait pas une connaissance rigoureuse de l’homme. On a même reproché à la philosophie de mystifier et de mythifier l’homme au lieu de le connaître tel qu’il est concrètement (cf. Claude Lévi-Strauss). @La psychologie, la psychanalyse et l’ethnologie, vont contribuer à largement déconstruire le mythe de l’homme que la philosophie avait bâti. Certaines vérités sur le déterminisme psychique et sur celui socio-économique vont porter un lourd préjudice aux spéculations métaphysiques au sujet du libre arbitre humain. @Dans la mesure où le débat sur l’opportunité de la philosophie est déjà lui-même philosophique, il y a lieu de penser que le penchant pragmatique de l’homme fortement marqué par les progrès scientifiques, n’incline guère aux méditations philosophiques. @Le souci existentiel de l’homme semble de plus en plus se résumer aux problèmes matériels, or ceux-ci sont largement couverts par la science dont la véracité s’exprime aussi en termes d’efficacité et d’amélioration des conditions d’existence de l’homme. F Les thèses scientistes et positivistes qui réclament le dépassement de la philosophie prennent leur source et leur justification sur le caractère suffisant de la science. Bref, parce que la science est à la fois utile et vraie, l’homme préfère se consacrer à celle-ci et aux opportunités qu’elle offre plutôt qu’à perdre son temps sur la question de l’importance de la philosophie. Les vérités scientifiques semblent donc défavoriser la philosophie.

Antithèse : on peut néanmoins s’interroger sur la légitimité de cette volonté de clore le débat sur l’opportunité de la philosophie sous le prétexte de l’accession à la vérité scientifique. @ La véracité même de la science est un objet de réflexion féconde qui, au lieu de clore le débat sur l’actualité de la philosophie lui donne des ailes. Qu’est ce que, en effet, la vérité ? Voilà une question que ne peut trancher aucune science, car non seulement la notion de vérité est-elle même controversée, mais elle change d’une science à l’autre : la vérité mathématique n’est pas de même nature que la vérité physique. @ La réponse à la question de la définition de la vérité ne peut donc être prise en charge ni résolue par une science quelconque : sous ce rapport précis, la philosophie est opportune, voire indispensable. @ La réflexion épistémologique moderne a largement montré que la notion de vérité était, dans une certaine mesure, opposée à la logique de la découverte scientifique : n’est-ce pas là un aveu de la nécessité théorique de la philosophie ? @ Dans la mesure où l’efficacité technologique de la science est le principal témoignage de sa véracité et que cette efficacité est parfois périlleuse, on peut logiquement penser que c’est une raison favorable à, et non contre, l’opportunité de la philosophie @ On peut par ailleurs discuter les arguments de la fin de la philosophie pour raison de vérité scientifique en posant le problème de la spécificité de la philosophie : philosophie et science sont-elle de même nature ? Traitent-elles des mêmes questions ? La vérité que vise la philosophie est-elle de même nature que celle scientifique ? La perspective développée par HBergson sur la différence de nature, d’objet et de finalité, entre les deux sphères servira ici d’illustration.@ Le bon élève pourra par ailleurs se demander si toutes ces thèses sur la caducité de la philosophie face aux progrès de la science ne prouvent pas, sans le vouloir, l’actualité et la nécessité de la philosophie ? @On dit souvent que récuser la philosophie c’est encore philosopher ; et cela se justifie ici, car les arguments généralement soulevés contre la philosophie relèvent de la démarche et de l’esprit philosophiques.

Synthèse : La question de l’opportunité de la philosophie ne doit et ne peut pas être tranchée au regard de l’existence ou non de vérité scientifique. C’est l’homme qui, parce qu’il est un être de sens et de valeur, ambitionne un type de questions qui dépassent largement l’espace de la perspective scientifique. @ Il semble que les vérités scientifiques, comme le dit KJaspers, ne sont nécessaires à tout le monde ; alors que celles que vise la philosophie touchent l’homme, quelque qu’il soit, dans la profondeur de son être. F Sous ce rapport précis, au lieu d’envisager une mise à mort de la philo par l’existence d’une vérité scientifique comme si les deux disciplines étaient concurrentes, on pourrait plutôt poser la problématique de leur utilisation complémentaire par l’homme. @ L’enjeu final de la question que soulève le sujet est celui de la coexistence entre philosophie et science, or rien dans la modernité ni dans l’antiquité n’indique qu’une telle coexistence soit impossible ni même gênante.

Sujet 2 : La vie qu’implique la spiritualité religieuse vous semble-t-elle compatible avec la méditation philosophique ?

Ce que font les mauvais élèves : parce que le sujet porte sur philosophie et religion, les élèves pressés et paresseux se content tout de suite  d’une restitution  de leçons. Il n’est certes pas interdit d’exploiter les connaissances puisées dans le cahier, mais avant de le faire il faut y avoir droit. Or la seule façon d’y avoir droit c’est de problématiser le sujet en fonction des notions qui le constituent. Les clichés et les formules stéréotypées ne peuvent guère remplacer la nécessaire analyse notionnelle qui permet de poser correctement le sujet et de saisir les implications de la question qu’il soulève.

 L’élève qui veut réfléchir doit au contraire se demander la question de savoir : qu’est ce qu’on entend par spiritualité religieuse ? F  L’esprit religieux : il s’agit de la façon religieuse de voir le monde qui implique les modes de connaissance religieux et les modes d’adoration que stipule la religion. F L’esprit religieux renvoie également à l’attitude religieuse sous toutes ses formes : soumission à un dogme et à une autorité religieuse (la notion, de religion implique une révérence c’est-à-dire une soumission et une adoration), la croyance ou la foi. Chaque a la possibilité de comprendre ce qu’est la spiritualité religieuse à travers sa propre expérience sans tomber dans la banalité. L’élève se demandera aussi : quelle sorte de vie est impliquée, c’est-à-dire engagée, supposée, entraînée, par cette spiritualité religieuse ? F La vie de fidèle est faite d’adoration (du latin adorare qui signifie craindre, redouter, révérer), de dévotion, l’exercice du culte en communauté, la reconnaissance et l’observation stricte de certains principes sans se poser de question : la vérité religieuse qui sert de repère est révélée.

Dans quelle mesure toutes ces obligations religieuses ne seraient-elles pas conciliables avec la méditation ou réflexion philosophique ? F La méditation philosophique repose avant tout sur l’esprit critique, la subversion de l’opinion, du mythe, du dogme, bref de toutes les manières habituelles de penser et de vivre. La méditation philosophique ne peut se faire qu’à partir du moment où on l’on ne considère plus d’autre autorité que celle de la raison : le doute qu’exige la méditation philosophique est radical et permanent. Le principe de l’autorité de la raison est donc opposé à celui de l’autorité du dogme. Celui qui philosophe a besoin de la solitude alors que la vie religieuse implique le lien à la communauté. La liberté dans la pensée et dans l’acte est une condition nécessaire pour méditer philosophiquement or de telles dispositions ne sont pas offertes par la religiosité. La subjectivité qui caractérise la méditation philosophique est aussi en conflit avec la dépendance intellectuelle et morale dans laquelle se trouve le fidèle : le prêtre et le marabout sont omniprésents dans la vie de ce dernier alors que le philosophe est supposé être libre.

@Au regard de cette analyse, que veut savoir le sujet ? Une analyse n’a de sens que si elle permet de comprendre le sujet et de le reformuler en des termes simples, précis, mais pas banals.  La question qui est posée ici est la suivante : peut-on s’adonner à la vie religieuse et  faire la philosophie ? Ou encore : Peut-on à la fois être un croyant et un philosophe ? Ou encore : Les exigences de la vie religieuses sont-elles compatibles avec la liberté et pensée qu’exige la réflexion philosophique ? Chacune de ces questions qui renvoient au même problème implique d’autres questions qui préfigurent déjà le plan de la dissertation : Qu’est ce qui caractérise la spiritualité religieuse et qui est en conflit avec la nature de la méditation philosophique ? La méditation philosophique est-elle totalement exclue par la vie religieuse ? Ce Conflit n’est-il donc pas surmontable ?

Ces questions, dès qu’elles sont bien posées, peuvent être examinées en se fondant sur ce qu’on a appris :

Thèse: opposition de principe et de démarche entre les deux sphères, d’où la condamnation de Socrate et l’obscurantisme qui s’est manifesté par la persécution des philosophes et rationalistes.  L’entreprise de démythification et de démythologisation qui est le point de départ de la philosophie s’attaque aux fondements de la religion.

Antithèse  Néanmoins on a vu dans l’histoire des tentatives de concilier spiritualité religieuse et méditation philosophique (les trois Saint : Thomas d’Aquin, Anselme et Augustin on développé la problématique de la philosophie au service de la foi). L’imam Ghazali est allé plus loin en suggérant que la foi sans la réflexion n’était même pas possible.

Synthèse La vie du Saint ascétique ressemble parfois d’ailleurs au détachement qu’implique la méditation philosophique et, sous ce rapport, on pourrait peut-être envisager, non leur conflit irréductible, mais leur complémentarité pour le salut de l’homme :  La réflexion du Pape Jean Paul II servira à ce propos d’illustration.

NB Refaire ce travail de façon complète à la maison

Sujet 3 : L’esprit philosophique vous parait-il avoir sa place dans un monde comme le nôtre ?

Le mauvais élève est celui qui, sans chercher à analyser les notions du sujet, se hasarde dans un déplacement du problème vers une réflexion sommaire sur une compétition entre philo et science. Bien que ce problème soit impliqué par le sujet, la question de l’actualité de la philo est plus large que ce problème, or il s’agit justement ici de la question de l’actualité de la philo. Tout le bavardage sur la rupture épistémologique qui a consacré la rupture entre philo est science n’est a priori pas nécessaire ici. Les thèses de Bergson sur la différence de nature et de but entre philo et science sont certes pertinentes, mais elles doivent être évoquées après l’analyse de la situation de notre monde (c’est-à-dire le monde actuel, contemporain).

L’élève qui veut réfléchir par contre se demandera : qu’est ce qui caractérise notre modernité ? L’esprit pragmatiste qui ne vise que l’efficacité au détriment du savoir et même de la vérité, la recherche du plaisir et de l’utile au détriment de l’abnégation, les avancées notables de la science et de la technique qui rendent la spéculation philosophique de moins en moins indispensable.  Dans quelle mesure ces caractéristiques entravent-elle l’esprit philosophique ? Quelles sont les exigences et les caractéristiques de l’esprit philosophiques et en quoi seraient-elles caduques ou incommodantes dans ce monde qui est le nôtre ? Esprit critique, questionnement indéfini par opposition au désir d’efficacité immédiate qui nous anime aujourd’hui. Esprit de désintéressement, de détachement, la recherche de la droiture ou de la vertu, or cela incline plutôt à la marginalisation dans la société actuelle.  Esprit spéculatif qui répugne souvent aux attitudes  de l’homme moderne (la consommation aveugle, la vitesse, l’abandon de soi aux influences médiatiques…)

@Au regard de cette analyse, le problème que soulève ce sujet est simplement celui de l’actualité de la philo : la philosophie est-elle actuelle ? Ou encore : le monde actuel est-il propice à la méditation philosophique ? Ou encore : la configuration de notre monde est-elle compatible à l’émergence d’une attitude philosophique ? Chacune de ces questions qui posent le même problème soulèvent d’autres questions subordonnées : qu’est ce qui, dans les caractéristiques du monde actuel rendent l’esprit philosophique inopérant et caduc ? Quelles exigences de l’esprit philosophiques ne sont pas remplie dans la situation de l’homme moderne ? Cette situation, même si elle n’est pas propice à l’esprit philosophique, n’en a-t-elle pas besoin quand même ?

Share This Article
Leave a Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

dix-sept − quatre =